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Bālāsana- La posture de l'enfant

Étymologie :

bāla  : "enfant"

āsana : "posture"

 

Le mot bala en sanscrit évoque également la vigueur et la force. N'étant pas sanscritiste, je ne pourrai pas affirmer que dans bālāsana, il est bien question de l'enfant et non de la vigueur. Je me fie au plus grand nombre traduisant ainsi la "posture de l'enfant". Néanmoins, j'aime assez l'idée de vigueur reliée à celle de l'enfant. Cela m'évoque la graine de force vitale qu'est en soi un enfant. La posture devenant ainsi dans sa forme même un potentiel de Vie attendant d'éclore en son temps…   

 

Bālāsana n'a pas de description "officielle" dans les traités anciens de Yoga. Il semblerait qu'elle fasse partie des postures tardives du XXè siècle et on la connait surtout pour ses qualités de compensation après des āsanas plus intenses.  

 

On y va ?

Au départ de vajrāsana, posture du diamant ou de la foudre, il s'agit d'inspirer et de fléchir le tronc sur les cuisses en expirant. On dépose le front au sol et les bras de part et d'autre des jambes, paumes vers le haut. 

"Simplissime, un jeu d'enfant" direz-vous. 

Oui effectivement.

Mais comme dans toutes les postures même les plus simples, une ou deux intentions peut changer le vécu de la pratique. On passe d'un simple mouvement du corps à une expérience des sens beaucoup plus large.  

 

PAR EXEMPLE :

 

En vajrāsana, prenez conscience de l'axe vertical. Il traverse le tronc en son centre, se projette vers le Ciel au-delà du sommet du crâne et plonge dans la Terre au-delà du bassin. La colonne suit cet axe mais conserve ses courbures, visualisez son trajet et respirez quelques minutes le long de l'axe-colonne : IN (inspir) du CIel à la Terre, EX (expir) de la Terre au Ciel… 

Puis sur une EX, fléchissez le tronc vers l'avant à partir du bassin et déposez les cotes le plus loin possible sur les cuisses, bras le long des jambes, paumes vers le Ciel. Le front se pose au sol, les épaules et les bras se relâchent. Abandonnez-vous à la Terre, laissez sa force vous attirer, relâchez absolument tout.

 

C'est désormais l'arrière du tronc et de la tête qui entrent en relation avec le Ciel : l'arrière du crâne et du cou, l'arrière du dos, du bassin et des bras… Toute la face arrière inspire prâna, l'énergie vitale, de toute sa largeur et de toute sa longueur. Faites une petite pause en fin d'IN. Puis expirez en diffusant prâna dans toute l'épaisseur du corps. Tout le long de l'EX, ce qui doit vous quitter rejoint la Terre par tous les contacts avec le sol pour y être recyclé. 

 

Poursuivez ainsi sur 18 à 27 respirations dans la réception de l'énergie vitale aux IN et sa diffusion aux EX qui libère et chasse tout ce qui doit vous quitter.

 

Anatomiquement, la posture de l'enfant est une flexion avant du tronc sur les cuisses. La tête, le tronc et les épaules sont en décharge, la colonne est modérément étirée dans sa face postérieure, les genoux sont en flexion maximale et les chevilles en grande extension. 

Comme la plupart des postures en flexion avant, elle permet un profond relâchement et une détente nerveuse appréciable. Elle a l'avantage, par rapport à une pince ou une flexion jambes écartées, de ne pas trop solliciter l'étirement des jambes qui peuvent rapidement être douloureuses lorsqu'on manque de souplesse et empêcher le relâchement profond.

 

Les zones abdominale et thoracique étant comprimées contre les cuisses, l'amplitude respiratoire trouve son chemin sur les côtés et à l'arrière ce qui qui est intéressant pour développer ces mobilités "inhabituelles". On peut vraiment mettre l'accent sur ces amplitudes dans le bhāvanā (intention), en indiquant d'aller au bout de chaque mouvement respiratoire comme si la taille et le dos respiraient, se gonflant comme une voile de bateau.

Le diaphragme, d'avantage sollicité par ces respirations "complètes", agira comme un "masseur interne" stimulant en profondeur les organes digestifs.

 

Quels effets ?

Voici une liste, non exhaustive, des effets et bénéfices que l'on peut trouver à la pratique de bālāsana :

  • Favorise le lâcher-prise et la décontraction ; 
  • Facilite pratyāhāra, le retrait des sens, un des prérequis pour déposer le mental et aller vers la concentration et la méditation ;
  • Stimule la sphère digestive et agit sur samāna vāyu (force vitale d'assimilation) et apāna vāyu (force vitale d'élimination) ;
  • Décompresse les lordoses excessives au niveau cervical et lombaire (mais attention peut aussi susciter de la douleur si l'une de ces zones est "en crise") ;
  • Étire les muscles du centre du dos qui sont difficilement "atteignables" ; 
  • Développe la mobilité thoracique par la respiration profonde (comme expliqué plus haut).

Quelles prÉcautions ?

Et comme pour chaque posture, attention à ce qui pourrait être sensible chez vous :

  • Les lordoses cervicale et lombaire si elles sont particulièrement sensibles ou s'il y a une hernie discale ;
  • L'articulation du genou qui peut être douloureuse en flexion totale selon la fragilité ou la pathologie rencontrée ;
  • Les chevilles dont l'extension totale cumulé au poids (relatif) du bassin peuvent rapidement être inconfortables. 

Adaptons !

Pour réduire l'extension des chevilles, placez une couverture ou serviette roulée entre celles-ci et le sol.

On peut aussi opter pour un placement des pieds "orteils retournés" mais là où l'on soulage l'extension des chevilles, on ajoute peut être une difficulté dans l'extension des orteils… Choisir alors "à moindre mal" ce qui sera le meilleur placement pour vous.

Pour atténuer la flexion complète des genoux, placez autant de briques que nécessaire sous les ischions (os des fesses) et ajoutez une couverture pliée pour le confort.

Attention, selon la hauteur du bassin, le fait de maintenir le front sur le sol, va augmenter la flexion des cervicales et rendre la position de la tête moins confortable dans le complet relâchement.

 

Et HOP ! un petit support sous la tête pour réduire cette flexion cervicale !

Trouvez le "combo" qui vous convient :-)

Si la posture réduit le confort respiratoire à un tel point qu'il est difficile d'y rester, on peut tout à fait choisir d'ouvrir les genoux en conservant les gros orteils proches l'un de l'autre. C'est une adaptation pratique pour les personnes avec de l'embonpoint.

Intensifions !

LE TRAVAIL DE LA SPHÈRE ABDOMINALE

Lors de la flexion vers l'avant, opérez un virage à droite pour amener les 2 avant-bras vers le sol, parallèles à la cuisse droite ; ils ne touchent pas nécessairement tous les deux le sol mais on va dans cette direction. Relâchez la tête et ressentez le côté droit de l'abdomen comprimé et condensé tandis que le côté gauche du flanc se laisse étirer. Conservez la posture sur quelques respirations amples et profondes puis pratiquez de la même manière de l'autre côté.

 

LE TRAVAIL DE LA SPHÈRE DIGESTIVE

En plaçant le poing droit sur le nombril avec le pouce dégagé pointant vers le haut et la main gauche recouvrant le poing droit, on exerce une pression supplémentaire sur l'intestin grêle et le bas de l'estomac.  

En plaçant les deux poings fermés de part et d'autre de l'abdomen au niveau de la taille, la pression supplémentaire s'exerce sur le côlon ascendant à droite et descendant à gauche.

Une fois dans la posture avec les mains placées, respirez de façon ample et souple jusque très bas dans l'abdomen.

 

LE TRAVAIL DANS LES ÉPAULES ET LES OMOPLATES

Selon l'effet recherché, on peut changer la position des bras en variant les engagements musculaires et/ou le relâchement.

EN AJOUTANT UNE HASTA MUDRA

De gauche à droite :

Apāna mudrā pour stimuler l'élimination et le relâchement de ce qui doit vous quitter.

Kshepana mudrā pour aider au lâcher-prise sous forme d'écoulement, aide à la fluidité.

Pushpānjali mudrā pour accompagner l'ouverture au contentement et à la gratitude sans attente. Aussi appelé "geste des mains tenant ou offrant des fleurs".

 

Relâchons...

On n'est pas bien là ?... 

Installez-vous de la manière la plus confortable possible avec l'intention de pouvoir y rester un moment, en plaçant autant de supports que nécessaire comme ci-dessous… 

 

 

Laissez le souffle vous traverser sans aucun contrôle.

À mesure qu'il s'apaise, le corps accepte la détente.

À mesure que le corps se dépose, le mental accepte de se relâcher.

Laissez-vous le temps de tout cela, laissez œuvrer le souffle tranquille et accueillez le repos

 

Formulez mentalement :

10 cela inspire, 10 cela expire je relâche

9 cela inspire, 9 cela expire je relâche

8 cela inspire, 8 cela inspire je relâche

...et continuez ainsi jusque 0.

Vous êtes désormais complètement détendus. Le corps posé et relâché, les yeux posés et relâchés, le cerveau posé et relâché, tout votre Être posé et relâché

 

Reliez-vous à la spontanéité du souffle et ressentez le plaisir simple de laisser faire sans rien faire, prenez-vous au jeu de regarder tout cela de très loin et avec une certaine candeur. Et souvenez-vous peut être de vous enfant, observant de loin les adultes qui s'agitent et parlent de choses. Reliez-vous à ce détachement naturel et à l'innocence de cet enfant confiant.

Vous êtes cet enfant qui observe sans intention ni jugement, vous êtes l'innocence et la spontanéité.

Vous êtes cette graine de Vie et ce potentiel immense ouvert à tous les possibles. 

 

Formulez intérieurement :

10 je suis la Vie, 10 je suis la Joie

je suis la Vie, 9 je suis la Joie

je suis la Vie, 8 je suis la Joie

...et continuez ainsi jusque 0.

Prenez ensuite quelques respirations plus amples et prévenez le corps qu'il va se remettre en mouvement.

 

 

 

Quittez doucement la posture et prenez adho mukha shavāsana (= shavāsana sur le ventre) pour quelques minutes.

BONNE PRATIQUE !


Sources et documentations :

  • "Hatha yoga, Science de santé physique et mentale", Clara Truchot, éditions Le Courrier du Livre 2008
  • "Encyclopédie André Van Lysebeth, toutes les âsanas pas à pas", André Van Lysebeth, éditions Flammarion 2016
  • Site & blog "Yogamrita"

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